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Mr. Flash a fait ses armes aux cotés de TTC, il y a eu Le Voyage fantastique un 45 tours collector avec Mike Ladd, et la signature avec Pedro Winter en tant que premier artiste de l’écurie Ed Banger. Mr. Flash aime les adjectifs : épique, grandiloquent, cheesy, lousy, improbable, sexué, charnel, ils sont revenus souvent dans la conversation, et ça se ressent dans sa musique.
* Faire de la musique, c’est un mode de vie ou un exutoire pour toi ?
C’est un exutoire, je te le dis direct parce que chacun des morceaux que je fais, c’est un épisode de ma vie. Chacun des tracks, c’est une aventure de ma vie, pour infuser une émotion, un truc que j’ai ressenti, et que j’ai besoin de plaquer sur des accords, une mélodie, il faut qu’il se passe quelque chose. Je ne dis pas que la page est définitivement tournée ensuite, parce que tu vis avec. Disons qu’on vit avec des cicatrices, donc il faut apprendre à vivre avec. Et je pense que ça me permet de vivre mieux, parce que je pense que je ne suis pas capable de faire autre chose. Et Dieu sait que j’en ai fait des boulots dans ma vie, et des boulots tous plus improbables les uns que les autres !
La musique, c’est le média avec lequel je me sens le plus à l’aise, et j’arrive assez facilement à y projeter mes envies, mes peurs, mes angoisses, mes amours et mes larmes ; mon dernier maxi, Blood Sweats & Tears, a donc ce titre éloquent, il est symbolique de tout ça.
* Un album a souvent été annoncé ; tu en es où de ce projet ?
Que les choses soient claires : à l’époque, il y avait un album de prévu. Quand je suis entré chez Ed Banger, il y sept ans, je bossais sur un album, alors que c’était aussi une période où je me cherchais musicalement. Je me disais : « Le rap, c’est cool, mais est-ce que je n’ai pas envie d’aller plus loin. » J’ai un passif de musicien car dans ma famille on a toujours fait de la musique, mais en dilettante.
J’ai fait un peu de conservatoire classique, je me suis fait jeter rapidement car je me battais souvent, et comme j’étais intenable, mon père m’a mis à la batterie. J’avais 8 ans, je faisais n’importe quoi, et tu ne vois pas les perspectives à cet âge-là. J’en ai fait pendant des années, et à 19 ans, j’ai arrêté. À cette époque-là j’étais déjà féru de pas mal de musiques différentes, j’ai pris le rap en cours, au début des années 90, mais ça n’était pas une finalité de faire du rap. C’est juste qu’à un moment, quand tu es batteur et que tu es tout seul, si tu veux faire de la musique, tu te dis : « Il me faut un groupe », et je n’avais pas de groupe.
J’habitais dans le sud de la France, et à 19 ans je suis allé vivre à paris. J’étais dans un petit appart’, je me suis mis à aimer le rap car c’était un one man band : avec un sampler, tu es un orchestre à toi tout seul, et là c’est cool ! Les premières MPC [Sampler-unité de production Akai – ndlr] sont sorties, et je me suis dit : « C’est cool, je vais pouvoir faire ça… » J’ai aussi pensé : « Si les Ricains peuvent le faire, sans faire le conservatoire, je peux aussi le faire. » Je me suis acheté une MPC, et j’ai appris seul.
Mon frère avait des synthés analogiques à l’époque, j’ai récupéré un W30, un synthé Roland qu’Erick Sermon se vantait d’utiliser, et je me suis dit que j’allais faire comme Claude Lelouch, qui, à la question « Avez-vous fait une école de cinéma ? » répondait « Non, on apprend le cinéma en allant au cinéma. » J’ai fait exactement la même chose, j’ai appris en écoutant de la musique.
Je crois que cette manière d’apprendre est surtout valable pour le rap, je ne parle pas pour le jazz, encore que je pourrais tenir à peu près le même discours, car des mecs comme Thelonious Monk ont appris seul, et sont connus pour ça. Donc ça, c’est cool en soi, ces mecs-là viennent du gouffre et ils ont fait des disques. J’ai écouté plein de disques de rap, vraiment écouté, la manière dont le son était fait, techniquement, et en écoutant j’ai appris.
Je me suis mis devant la bécane, et j’ai fait. Sans jamais avoir lu le manuel, je suis incapable de lire un mode d’emploi. Tu mets cent dix ans à découvrir les choses, mais tu finis par t’en sortir. Je te dis ça quinze piges plus tard, en ayant eu toutes les MPC entre les mains, en les connaissant toutes par cœur, et une bécane, c’est une bécane, tu as beau tourner, virer, la technologie est la même.
Et j’ai toujours été féru de ça, détourner la fonction d’une machine ; j’ai toujours pensé comme ça : tu veux passer un obstacle avec un vélo, mais tu ne sais pas faire de vélo, eh bien tu le fais quand même, mais autrement. Tu te sers de quelque chose que tu ne sais pas maîtriser, tu le détournes de sa fonction première, et d’un défaut tu fais une qualité. Et ça, je trouve ça plutôt cool, j’ai toujours fonctionné comme ça. Après tu peux aussi en retirer une certaine fierté, car finalement tu l’as fait, tu es content, de ne pas avoir suivi la règle du jeu, et in fine ça marche, et comme tu le voulais.
L’idée de faire du rap, c’était aussi l’idée d’être indépendant. Le rap, c’est aussi une structure très simple, tu développes un truc sur quatre mesures, et tu peux en faire rapidement quatre de plus, et puis sampler du jazz et du rock, ajouter du synthé. Et finalement, qu’est-ce qui t’empêche de faire tout ça ? C’est la peur, on est tous couards, on ne fait pas les choses et ça, pour le coup, ça n’est pas mon tempérament. Mon grand-père a fait de la boxe pendant des années, il était parachutiste, et s’il y a un truc que l’on m’a bien fait comprendre, c’est que lorsque tu prends un coup, tu remontes sur le ring.
* Tu fais de la musique virile !
Non, je ne dirais pas que c’est de la musique virile, c’est un état d’esprit. On m’a appris à ne pas lâcher l’affaire, parce qu’il n’y a que comme ça que ça marche ; la vie, c’est aller au charbon, et ma vie entière c’est ça, aussi bien en amour que dans le boulot, parce que de toutes façons, tu n’as rien d’autre, et je crois qu’à un moment donné, c’est juste la peur qui fait que l’on n’avance pas dans la vie.
Pourquoi les gens ne se mettent pas en couple aujourd’hui ? Parce qu’ils flippent, ils ont peur de mouiller la chemise, les gens sont couards, je te le dis, c’est la vérité ! Il y a un moment, il faut voir la réalité en face, et globalement les médias jouent avec ça, les politiques jouent avec ça. La peur, c’est un moyen de contrôler, on sort du cadre du truc, mais dans la musique, c’est aussi ce qui m’a guidé…
* Qu’est-ce qui t’a inspiré ?
Je suis très curieux depuis tout petit, mes parents avaient pas mal de disques, ma mère écoutait des trucs psychés et mon père des trucs plutôt disco, ça m’a ouvert l’esprit. J’ai un parcours plutôt différent de la majorité des gens de ma génération, j’écoutais des trucs psychédéliques très tôt, et j’ai aimé le rap en dernier. Je n’écoutais pas de jazz avant, c’est autour de 24 ans que j’ai découvert Coltrane, ce sont des choses que je n’aurais pas pu absorber avant. Maintenant, je suis amoureux de ça, des trucs très deep, qui parlent à ma tête.
* Tu retiens quoi du rap ?
Le rap m’a aidé à me construire musicalement, et quand j’ai été formé, j’ai dit « stop », je savais que j’étais capable de faire autre chose. Le rap n’est rap que s’il y a un mec qui rappe, et quand le gars chante, alors c’est quoi ?
J’ai voulu m’affranchir de tous ces codes, et je me suis dit : « Tu n’es plus dans le rap, tu es dans la musique » ; après il ne faut pas avoir peur, et se dire qu’on peut faire de la pop, de la variété ou de la musique électronique.