Monsieur Faz, mister Kent
Verbal Kent est un rappeur de Chicago, underground comme on dit. Il est blanc et vient régulièrement rapper en France. Il y a plusieurs années, il rencontre Lord Faz, activiste hip hop dévoué, entre Rouen et Paris, parfois sur quatre roues, et souvent derrière des platines. Le duo s’entend plutôt bien et décide de projets communs, dont une mixtape, sortie en 2009. Monsieur Faz raconte.
* Quand et comment tu entends parler de Verbal Kent?
J’ai monté un site de podcasts avec des DJ’s Hip Hop d’un peu partout dans le monde en novembre 2006 – Mixlawax / France, USA, Japon, Canada, UK & Allemagne – grâce au réseau que j’avais établi à la suite d’un EP sorti en vinyle en août 2005 avec des artistes espagnols, russes, danois, français, anglais, japonais, américains et anglais.
Depuis je reçois des sollicitations d’artistes, de labels, d’A&R, de managers, promoteurs, etc. pour intégrer leur musique dans mes mixes et mixtapes. Un jour, un promoteur du nom de John d’une boîte londonienne – Urbanelite – m’envoie le maxi de Verbal Kent, Dead serious, avec Ill Bill, Lance Ambu, Tableek et RacecaR, et Kaz1 et Oddisee à la prod. Je kiffe tous les morceaux, et surtout le flow et le style de Verbal Kent. Très sharp dans son phrasé et ses textes, donc je les intègre dans mes mixes et les passe dans mes émissions de radio.
Quelques mois après, en septembre 2007 plus exactement, le même John me contacte de nouveau et m’annonce que Verbal Kent va être en Europe pour une date en France et en Suisse. Comme il a entendu dire que j’organisais des concerts avec des artistes underground à Paris et à Rouen, il me demande si Verbal peut me contacter pour l’aider à trouver des dates. Dans la foulée, je lui cale un concert à Rouen, à Paris et une date à Villefranche.
Le mec arrive à Rouen, on s’entend bien direct. Pour le concert, il a besoin d’un DJ, je suis son homme, ça fonctionne à merveille, malgré des conditions assez à l’arrache. Ensuite on se prend une cuite avec mes potes, on se marre bien, il pionce à la maison. Le lendemain je fais le trajet Rouen / Paris avec lui, on fait des projets, à savoir préparer un retour en France avec plus de dates.
De Paris il part à Angoulême pour un festival, me demande si je suis là quand il revient car il doit bouger en Suisse pour une première partie de Mr Lif. C‘est sa première fois en France, il a besoin d’un guide ; je suis là et je lui donne ce coup de main. À partir de ce moment, on était connectés.
* À quel moment tu décides de lui consacrer une mixtape ?
Vu le manque de notoriété qu’on a, on est forcément snobé des promoteurs, organisateurs de concerts et festivals. Donc je propose à Verbal qu’on fasse une mixtape et de l’envoyer à toute cette petite société de nobles décideurs. On ajoute une bio et on essaie de mettre en place une tournée française. Parallèlement, on met la mixtape sur Internet gratuitement pour le public, et voilà. J’ai ensuite refait la même avec Cymarshall Law, Wordsmith et RacecaR.
* Comment tu récupères les morceaux ? Et comment tu fais la sélection ?
La première fois qu’on s’est rencontré, il avait un peu de merchandising, donc il m’a donné ses deux premiers albums et son premier maxi vinyle. La deuxième fois qu’il est venu, il m’a filé toute sa discographie. J’ai d’ailleurs encore des stocks de CDs et vinyles à lui chez moi. Et depuis, il m’envoie ses skeuds, et ses tracks en avant-première en mp3.
La dernière fois qu’il est venu à Paris, c’était pour un concert au Nouveau Casino avec son groupe Ugly Heroes. J’ai pas pu m’y rendre, mais des potes y sont allés et quand ils sont rentrés, ils avaient un cadeau pour moi. Je te le redis, j’ai toute sa discographie ! Ça va sonner chelou ce que je vais te dire: je n’écoute pas beaucoup de rappeurs blancs, mais lui oui.
J’ai même un album totalement produit par !llmind, fini il y a deux ans, et qui n’est toujours pas sorti pour des raisons de micmacs de labels. D’ailleurs sur ce LP, il me fait une dédicace et aussi à feue Virginie Vee One Malet sur un morceau.
Pour la sélection, il a laissé libre court à mes envies. L’erreur, c’est que j’ai commencé par le morceau Remove the gag, parce que je le kiffe, mais Verbal pose en dernier. C’était un peu con.
En fait, j’ai réalisé avoir fait cette erreur quand j’ai fait ma mixtape avec Cymarshall Law. Après lui avoir soumise, il m’a dit : « Elle est bien cette mixtape, mais tu la commences avec un morceau avec des featurings de Sean P et Sha Stimuli, et je pose en deuxième, commence plutôt avec un morceau où je suis en solo.«
Je m’étais laissé guider par mon côté DJ qui veut commencer un mix avec un morceau qui tabasse, mais un peu moins stratégique en terme de promo. Bref, c’est en faisant des erreurs qu’on apprend.
* Tu places des bouts d’interviews dans le mix, c’est un bon concept…
La première fois que Verbal est venu à Rouen, on l’a récupéré avec deux de mes acolytes, à savoir Grorille, mon binôme DJ, et Thamud, le créateur du site www.fatcap.com qui faisait de la radio avec nous à l’époque. On est allés dans les studios de la radio HDR où on a notre émission hebdomadaire, et on a enchaîné l’interview. Je me suis dit que ça serait original d’intégrer des bouts d’interview dans une mixtape, et en terme de promo, c’est plutôt pas mal.
* Ça a été une vraie rencontre…
C’est vrai, et à part quand il est passé au Nouveau Casino, on se voit à chaque fois qu’il passe en France. J’ai fait deux tournées avec lui en tant que DJ. On a fait une tournée avec son pote Lance Ambu, on est allés jouer à Naples en première partie de RA The Rugged Man, on a d’ailleurs foutu un sacré bordel, des mecs faisaient du stage diving pendant notre show. Verbal, c’est le emcee avec lequel je prends le plus de plaisir à jouer sur scène.
C’est aussi le seul rappeur avec qui je bosse qui est venu dormir chez mes parents. Ma mère lui a même fait découvrir les artichauts ! Quand ma femme est décédée, c’est le seul qui a pris direct son téléphone et m’a présenté ses condoléances, d’ailleurs les deux s’entendaient très bien. Quand son fils est né, il m’a envoyé un faire-part… Enfin voilà quoi, on est potes !
* C’est quoi les grandes lignes pour réaliser cette mixtape ?
Bah d’abord tu fais ton mix, tu édites et tu fais le mastering. Ensuite tu presses les CDs et upload les tracks sur les Internets. Pour la pochette, c’est un de ses potes graphiste à Chicago qui l’a faite. Pour la distribution, c’est parti sous enveloppe chez des promoteurs, salles de concert, etc.
Il n’y a jamais eu de business plan sur ces projets de mixtapes Beat Trotterz, pas de vente. Tous les CDs qui restaient après les envois, on les a donnés aux fans durant les tournées. Ça ne m’a presque rien coûté. J’ai des bons plans, pour les pochettes j’ai un pote avec une bonne imprimante, et j’ai une plastifieuse à la maison. En gros, je me suis permis de faire ça en mode promo, de la PLV qui fait de la musique, du vrai DIY !