épisode 05 : La veste rouge,
Sim, Cardin
& Dionne Warwick
Le label Alter-K réédite trois albums de Bernard Fèvre / Black Devil Disco Club, parus il y a 40 ans. C’était L’occasion de croiser de nouveau ce musicien. Son parcours est belles histoires et anecdotes. Épisode 5, et fin.
UN CINQUIÈME ÉPISODE QUI COMMENCE AVEC UNE VESTE ROUGE CHINOISE ET QUI FINIT DANS LA CASERNE DE HIMMLER EN ALLEMAGNE.
« Je cherchais un truc pour frimer et je tombe là-dessus ! J’ai pris la taille XXXL en rouge, ça ne va pas plus haut. Ça me va bien, avoue que ça me va bien ! Ça vient de la ville la plus polluée de Chine. Je suis sûr qu’ils font tout à l’unité, ils sont balaises les Chinois.
D’ailleurs, le premier mec que j’ai connu qui a acheté des fringues en Chine, c’est Sim, tu te rappelles de Sim ? Il fait partie de ces gens qui m’ont apporté beaucoup en terme de culture. Je vois tous les mecs qui ont dix ans de plus que moi qui commencent à dégager. Là je vais avoir 69 ans. Année érotique ! Faut que je trouve un truc à mettre sur Facebook. Je mettrais bien un couple en 69, façon Pompéi. D’ailleurs ça va ensemble, Pompéi !
J’en étais où ? Ah oui, Sim ! Il me raconte qu’il a fait un concert à Hong-Kong, et que là-bas il y a un tailleur qui fait des vêtements sur-mesure. Il y va faire une commande de trois costards, on lui dit 10 jours. Finalement, il est rappelé à Paris en urgence, alors qu’il avait donné des arrhes. Un mois après, un Chinois a frappé à sa porte et lui a amené ses costumes. Sim, c’est facile à retrouver en même temps ! Plus que Germaine Durand ! Ils l’ont pas escroqué, ils ont fait leur travail jusqu’au bout. C’était un gentil mec Sim, j’aimais parlé avec lui.
Dans le même genre, j’avais un ami qui était présentateur des Musicoramas de Europe numéro 1 à l’Olympia, Jean-Marie Proslier. Un peu marginal dans le métier, c’était un excellent présentateur, un métier qui n’existe plus. Tu étais derrière le rideau, on t’annonçait et les gens étaient contents de te voir. Proslier avait les mots pour les intéresser sur ce qu’ils n’avaient jamais vu. C’était un homo et il aurait bien voulu m’entretenir, mais c’est pas mon truc.
C’est Cardin qui m’a dragué en premier. Après un concert au Casino de Deauville avec Les Vicomtes, Cardin organise une soirée dans un immeuble, pas dans un appart’ hein… Il y avait Dionne Warwick, très grande chanteuse des années black. Elle chantait des chansons écrites par Burt Bacharach, qui avait une écriture très intéressante et très particulière.
Donc il y a cette chanteuse et nous on faisait l’orchestre de danse. Je suis en train de penser que je suis vraiment une espèce de André Verchuren, ou Yvette Horner plutôt. On joue, on admire Dionne Warwick et à la fin de la soirée on dit au revoir à l’employeur, Pierre Cardin. Et là, il ne me lâche pas la main. Je devais avoir 17 ans.
– C’était la grande vie quand même. – Pas vraiment, j’ai eu une vie d’ouvrier de 16 à 19 ans et je prenais des cours de piano grâce au fils du patron qui m’a fait rencontrer un pianiste de jazz. Je me suis payé des cours avec mon salaire, le reste je le donnais à mes parents. Le soir j’allais voir un groupe répéter qui faisait de la soul, avec un gars qui avait la voix de Ray Charles. Un mec blanc, très prétentieux. C’était dans une salle du cynodrome de Courbevoie, ça sonnait pas trop moche. Il y avait un mec au clavier et il a dû partir à l’armée, comme j’étais là, je l’ai remplacé.
« Il y avait un mec au clavier et il a dû partir à l’armée,
comme j’étais là, je l’ai remplacé. »
Je commence à répéter avec eux et on va jouer dans cet endroit privilégié des années 60, le Teen club. C’était le rendez-vous des jeunes de la banlieue Nord Ouest. Il y avait un mélange sociétal intéressant avec des Blacks et des Algériens. C’est pour ça que je n’ai pas connu le racisme avant mai 68.
Je pense que ça a été inventé par les gens qui ont pris le pouvoir et qui disent le contraire aujourd’hui. Les journalistes, comme les directeurs de chaînes de télé, ce sont des enculés qui ont fait mai 68 et qui ont fait régner une sorte de terreur ensuite. M’enfin, c’est mon avis et je ne suis pas le seul à le partager. Je l’avais mis sur Facebook et un mec a écrit ‘CQFD‘.
Un jour que je bossais à l’usine, le groupe a débarqué et ils m’ont dit qu’il y avait un contrat pour Deauville. Je suis allé voir le chef d’atelier pour lui dire que je partais, et le mec m’a dit « t’as raison ». Ensuite je suis parti à l’armée, je suis resté 14 mois à Berlin et je n’ai rien appris. Si, j’ai raté mon permis ! Là-bas, j’ai fait du chant dans la chorale et des bals pour les gradés, donc on mangeait bien ! On était dans la caserne d’Himmler, la plus moderne d’Europe. Quand je suis revenu à Paris, un gendarme est venu à la maison et il m’a dit « s’il y a la guerre, toi tu ne bouges pas ».