Liberté, égalité & gratuité
Artiste interlope, coloriste autodidacte, bon vivant pragmatique, arpenteur tout-terrain, anonyme célèbre du graffiti, BMO vit, voyage et découvre. Il connait Paris comme sa poche, des lieux alternatifs aux couloirs du métro, en passant par les catacombes. Client quotidien de Graphigro et Rougier & Plé, qui ne le savent pas encore, BMO n’est qu’actions et impulsions, pas un jour sans une nouvelle anecdote, une escapade, de bons moments.
*Tu peux nous parler de ton parcours, tu me disais avoir commencé par la photo…
Oui, j’ai commencé avec la photographie. Je voulais faire des photos de trucs particuliers, j’avais des idées et c’est en 2009 que j’ai commencé. Rapidement j’ai bougé avec un pote qui graffait, et qui m’a emmené dans des endroits différents. Ça m’a tout de suite plu.
Ce qui m’intéressait, c’est que j’allais dans des lieux de fou, liés au graffiti. La première fois où j’ai suivi mon pote, je me suis retrouvé dans un énorme hangar. C’était le dawa, avec des voitures brûlées, des graffs. Ça m’a vachement marqué.
Là, j’ai eu plein de trucs à shooter : le hangar, mais aussi des détails. C’est ça qui m’a fait aimer la photo. Mais je n’ai jamais fait de photos de mariage par exemple, ça ne m’a jamais intéressé.
Quand j’étais petit, en 2008 je crois, j’ai découvert le travail de JR, et ça m’a vraiment touché. Je me suis rendu compte qu’on pouvait faire des choses avec la photo, et j’ai voulu créer mes propres images. Avec le temps j’ai lâché les lieux abandonnés et les graffs, pour me concentrer sur les souterrains, les toits, le métro.
*Tu avais besoin de t’exprimer ?
J’avais besoin de faire des choses. Je ne suis pas un mec qui joue à la console, qui reste bloqué devant son ordi. Moi, je suis tout le temps dehors. Avec des potes, on était sur le même terrain de foot en train de fumer des joints. Un jour j’ai craqué, je me suis barré et je suis allé acheter un appareil photo. Après, on a commencé à vagabonder partout.
On se retrouvait le matin, on séchait les cours et les plus vieux m’emmenaient dans de nouveaux endroits, parfois à 100 km de Paris. Le soir, on finissait dans les catacombes, je devais avoir 17 ans. Rien qu’en en parlant, ça me rappelle de bons souvenirs ! (Sourire.)
Une année, avec un pote, on traînait tout le temps sur Paris. On montait avec les derniers trains, vers 22H30, et on allait se balader. Le matin, on reprenait le train et on allait en cours. Franchement c’était dur, mais en y repensant c’était des bons moments…
*C’est donc toi BMO…
BMO, c’est moi mais c’est aussi mon équipe. BMO, c’est un concept, et tous les mecs qui entrent dans le concept en font partie. Je ne suis jamais seul, et en même temps sans moi ça n’existe pas. Au final, BMO, c’est des photographes, des peintres, une bonne équipe…
*Nino [qui chapeaute l’équipe – ndlr] parlait du fait que c’était la collaboration qui t’intéressait…
Je collabore avec peu de personnes, mais ceux avec qui je fais des choses sont pointus. Un mec est spécialisé dans les endroits improbables, un autre fait des photos dans le noir complet… Tant que les gens sont réceptifs, qu’ils apportent des idées, donnent leur avis, ça donnera un projet intéressant.
Ce qui est bien dans BMO c’est que personne n’est vraiment mis en avant. On me dit de porter le truc, mais derrière il y a beaucoup de monde. Ça me fait plaisir parce qu’ils sont contents, et tout le monde est content autour de nous. Et je n’aurais pas imaginé qu’autant de choses arrivent, jamais de la vie !
C’est sûr qu’on est loin du terrain de foot ! (Rire.) On était vraiment des petits cons ! Un jour, il faudra que je fasse une vidéo sur ce terrain, il est tellement blasant ! Franchement ça m’a fait du bien de partir de tout ça. Aujourd’hui, je suis content.
*Et comment les filles sont arrivées dans le projet ?
Un jour, après avoir peint, j’étais de toutes les couleurs. En rentrant, sur le quai de la gare, je vois des filles. Et en regardant mes chaussures et mon pantalon, je me suis dit que ce serait bien de mettre de la peinture sur des filles, et faire des mises en scène. J’en ai parlé avec un pote et on l’a fait. On a bien rigolé, du coup on a décidé de développer le truc.
J’ai commencé à prendre des photos de copines proches. Ensuite, j’ai pris en photos les copines de mes copines. Attention, moi, je ne suis pas un mec bizarre, j’ai une copine ! Le plus difficile a été de commencer, de trouver des filles qui disent oui, alors que tu n’as encore rien fait. Et plein d’idées dans la tête.
Ça a commencé un peu déshabillé, et moins je les connaissais, plus j’osais… Avec des copines du collège, c’est vachement plus dur ! Je trouve que les filles se marient super bien à la peinture, et on a de la chance car on a de super copines.
Les filles, elles font beaucoup pour les projets. Elles ont passé des nuits blanches avec nous dans le métro et elles n’ont pas pensé aux problèmes. D’ailleurs, j’en profite pour remercier toutes les BMO girls, lourd ! Un gros big up !
*Et pourquoi des filles nues ?
Bah, c’est beau non ?! C’est une bonne question… j’aime bien les filles je crois ; j’ai toujours aimé la nudité dans la photo, et la coulure sur un corps de femme.
*En même temps faire poser des filles nues, ça a toujours existé…
Oui, c’est vrai, mais moi je ne suis pas du tout issu d’un cursus artistique. J’ai fait un BEP chaudronnerie et un bac pro vente, j’ai été caviste pendant trois ans, ensuite j’ai commencé à faire des photos.
Souvent, les filles, on les connaît peu, mais elles sont présentes, de bonne humeur et elles ne cherchent rien d’autre. Les seuls reproches, c’est par des filles qui ont un avis négatif sur les autres filles. Celles qui posent pour nous, elles vont en cours, elles font du droit, des écoles de commerce, elles travaillent…
Parfois des potes sont présents, ils tiennent les lumières et les serviettes, tout le monde s’occupe bien d’elles. Et c’est ça que j’aime. Et surtout, j’aime quand une fille a une idée et veut être prise en photo d’une certaine façon, c’est vraiment cool.
Je ne suis pas dans un délire pervers ou les photos de camionneur, tu vois ce que je veux dire ? Je trouve que c’est sensuel ce que l’on fait. Quand je regarde les photos, je trouve que les formes sont douces, que la peinture est bien et c’est ce que je veux : faire la meilleure mise en scène possible.
*Tu connais le travail de Pollock ?
(Sourire.) Jackson Pollock ? Ça fait six mois que je sais qui c’est ! Une copine, qui est dans une école d’art et qui pose pour nous, m’a demandé si je m’étais inspiré de Jackson Pollock, et elle m’a montré son travail. Quand j’ai commencé, je ne me suis informé sur rien du tout. Moi, mes potes ils jouent au foot ! Ce sont les couleurs qui m’ont donné des idées… Tu veux sortir fumer ?
*Sinon tu peux revenir sur ton cursus en école de photo…
J’ai voulu faire une école de photo, et quand j’ai vu des images de paniers de fruits, j’ai trouvé ça fade, que ça manquait de vie. Il y avait aussi des photos dans la rue, des scènes de vie, et ça c’est un truc que je ne saurais pas faire.
* Tu as été récemment en Israël, tu peux en dire plus sur ce voyage…
Je suis né à Bethléem et j’ai ma famille là-bas. Je parle arabe et hébreu couramment. L’été dernier, j’y suis allé pour peindre, et j’en ai profité pour faire des images pour un clip de DJ Cream.
D’ailleurs, j’ai eu une bonne histoire ! J’étais sur le mur qui sépare la Palestine d’Israël, j’ai commencé à faire mon truc et un mec s’est arrêté avec une vieille 205. Il me dit que je suis en train de le repasser, et n’est pas content du tout. Je suis descendu de l’échelle, et quand je lui dis que je suis Français, on a discuté et ça s’est calmé. J’ai refait son graff, et du coup je lui ai laissé mes bombes.
Avant de partir là-bas, j’avais eu l’occasion de vendre une photo 1500 balles, et cette thune m’a permis de passer quelques jours en Palestine. J’ai tout dépensé, j’ai rempli des congélateurs ! Et j’ai fait un don à un hôpital français qui s’occupe d’orphelins. Je n’ai rien gardé pour moi
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