Blackthread est Pierre, Pierre est Blackthread. C’est aussi notre gros coup de coeur du moment, déjà bien parti pour occuper une place de choix dans la liste des albums de l’année 2010. Parce qu’il faut le dire, avec ce premier disque éponyme le lyonnais frappe fort, très fort même. Sa musique est difficilement classable, subtile mélange d’ambient, de spoken word ou bien de noise, le genre de truc qui prend aux tripes et qui ne vous quitte plus. Nous lui avons demandé de répondre à quelques questions, de se présenter, en espérant que vous apprécierez, que vous irez le voir lors de ses prochains concerts, qui soit dit en passant, sont de véritables expériences.
Peux-tu présenter la genèse de Blackthread ?
Blackthread existe officieusement depuis deux ans, officiellement depuis même pas un an. J’en suis l’unique membre. J’ai officié auparavant à la basse et au chant dans One Second Riot. BlackThread, c’est moi sur scène, seul, avec une basse, un synthétiseur et un micro. Je compose des morceaux assez ambiants à base de boucle que je superpose.
Tu as joué dans plusieurs groupes auparavant. Comment en vient-on à débuter un projet solo ?
En faisant un espèce de rejet, je crois… L’enregistrement de l’album de One Second Riot avait été tellement éprouvant qu’une fois terminé, je ne voulais plus en entendre parler. Je voulais même plus toucher à une basse ! Je voulais du calme et du silence. Quand je me suis remis timidement à faire de la musique j’ai utilisé ce qui équipait ma chambre : un vieux synthé, un piano et ma voix. C’était la base. Puis, sont venus plus tard, la basse et le phrasé.
Ce n’était pas censé devenir un projet, c’était juste un hobby. Jusqu’à ce que l’existence se fasse savoir, qu’on me demande une maquette et qu’on me propose mon premier concert. C’était à Paris en juin dernier.
Qu’est ce qui t’as poussé dans cette direction musicale, calme, celle aussi inspirée du spoken word ?
Disons que l’isolation est très mauvaise dans mon appartement, hurler posait donc un certain problème…
Simplement, c’est ce qui me semblait le plus adapté à la musique qui venait, c’était une pratique en phase avec mes envies de retenue. Et puis le spoken word, c’est ultra agréable. C’est un autre système de mesure, c’est un peu redécouvrir le temps, celui de faire traîner les mots, ou de jouer avec les silences. J’aime tellement l’anglais, c’est une langue riche en sonorités. Je le parle bien, j’aimerais tellement le parler parfaitement.
Le spokenword est-il pour toi un retour à l’essentiel de la musique, à savoir la communication d’un message ?
Il n’y a jamais de réel message, mais j’aime raconter des histoires, c’est vrai. C’est un jeu, celui de développer une ambiance qui va illustrer et servir ton texte ou l’inverse ! C’est un exercice que j’aime beaucoup.
La solitude semble être un thème très présent dans tes paroles…
Ah non, je ne suis pas d’accord ! C’est pas parce que je n’évoque personne qu’il y a solitude. Des personnes sont là, pas forcements mentionnés mais bien présentes, je te jure !
Tes concerts ont un coté incantatoire très intense. Ce genre de performance est assez peu pratiqué en France. Comment jusque-là se passe l’accueil d’un tel projet ?
Jusqu’ici tout va bien. Je n’ai jamais eu à affronter un désintérêt total, et j’en suis bien content ! Jouer seul c’est pas évident, ça donne un peu l’impression de retourner dans ses frusques d’adolescent. C’est étroit, tu retrouves le risque, le stress, ça t’oblige à prendre sur toi, à te confronter aussi. Donc quand les gens sont captifs c’est le pied, par contre quand ils sont dubitatifs, c’est assez déstabilisant.
Le caractère inquiétant de ta musique est-il assumé et prémédité ?
Assumé oui, prémédité pas vraiment. Disons que je compose en tournant des boutons jusqu’à ce que ça me remue. J’enregistre, puis j’écoute, le constat est toujours le même, c’est tout noir ! Mon défi sera sûrement d’écrire une vraie pop-song.
Considères-tu cette intensité dans tes concerts comme une performance artistique ?
C’est vrai que je pense souvent à ma mère qui me disait que j’aurais dû faire du théâtre.
Un don de soi ?
Comme je le disais plus tôt, seul, t’es un peu obliger d’y aller. Sans ampli pour jouer fort, tu peux pas te cacher. Je crois pas que tu puisses jouer la demi-mesure.
Dirais-tu que ta musique, dans un certain sens, est une musique organique ? D’un point de vue de sa construction, d’assemblage de nappes, etc.
Oui tu as raison, ça peut clairement s’apparenter à un système de strates qu’on déposerait par ordre.
Comment s’est passé l’enregistrement avec Cédric Béron, quel impact a-t-il eu sur le rendu final de l’album ?
Cédric a remplacé au pied levé Jean-Michel Quoisse qui devait initialement s’occuper de l’enregistrement et avec qui j’avais bossé systématiquement jusque-là. Cédric est un proche de Zëro/Bästard, il officie aux machines dans Spade&Archer. C’est aussi accessoirement mon cousin !
Il a un petit studio pas loin de chez lui ou il stock beaucoup de choses (ça doit être de famille). On a enregistré simplement, avec des vieux préamplis qui soufflent, des micros étranges, mes synthés, un canapé et un piano déglingué. Cédric est un adepte des prises brutes et des heureux hasards : un micro dans une pièce et c’est bon. Si en plus le fauteuil craque ou bien qu’une mobylette passe dans la rue, c’est la bonne ! C’était assez déroutant de mettre à plat un projet tout neuf, tout en découvrant les méthodes d’une personne avec qui on n’a pas l’habitude de travailler.
Je mettais imposé d’avoir le disque pour les dates de la rentrée. On a fait ça vite, début septembre, en une semaine, en composant avec nos emplois du temps respectifs (on travaille tous les deux dans une salle de concert, lui à l’Epicerie Moderne, moi au Sonic). Dans ces conditions-là, prendre des décisions c’est pas mon fort. Mais je suis content du résultat. C’est aussi le problème des solos ; on prend les solutions en solo aussi.
Quels sont les projets à venir ?
J’ai quelques dates de prévus avant l’été : à Lyon fin mai avec Programme et à Bernes en juin. L’avenir sera sûrement de s’entourer un peu plus, trouver un label pour un éventuel prochain disque, et un tourneur avec qui bosser sur des dates futures.
Ah oui, c’est ça aussi le problème des solos, on fait tout tout seul !