De Mulholland Drive à Paris, en passant par Bordeaux…
Année 2008. Ils sont six garçons dans le vent, ils viennent de Bordeaux, ils jouent un rock acidulé et lancinant, ils sont déjà les idoles des jeunes et n’ont pas fini de faire parler d’eux… Julien, le chanteur, et Gaëtan, le guitariste, vous en disent un peu plus…
Comment avez-vous commencé la musique ?
Julien : J’ai rencontré Gaëtan lorsqu’on était au lycée. Au départ, on écoutait surtout de la pop, Oasis, Blur, du grunge, les Buttholes Surfers, Nirvana, et même des trucs qui craignent comme Pearl Jam ! On s’est mis à faire de la musique : je faisais du clavier et de la guitare, ça ne sonnait vraiment pas bien, mais on a persévéré, on a grandi, on a rencontré des gens, la scène bordelaise… On a eu des groupes avant Adam Kesher, on a fait un groupe new wave qui s’appelait Seppuku et un groupe de hardcore, Metronom Charisma. Puis on a rencontré les autres, David, Mathieu, Jérôme et Yann, et on s’est retrouvés autour de ce projet pour faire de la pop musique, avec des refrains et des couplets…
À quel moment Adam Kesher est devenu Adam Kesher ?
J : ça a pris un peu de temps : à la base Gaëtan et moi avions enregistré plusieurs morceaux sur un huit pistes, ça sonnait Cure, Joy Di… On a fait écouter aux autres, ils trouvaient ça chouette, on a donc décidé de monter le groupe à six. Au fur et à mesure des concerts et des répétitions, le groupe a pris le pas sur les autres groupes dans lesquels on jouait, du coup on s’est mis à composer ensemble. Le groupe en tant qu’entité cohérente de six personnes, ça doit faire trois ans qu’il existe… mais ça fait cinq ans que l’on est dessus.
Comment on procède à six pour faire de la musique ?
Gaëtan : C’est un peu tout le monde. C’est un peu étrange comment se passe la composition, on n’est jamais véritablement à six pour composer, ce n’est jamais le même groupe de personnes. On fait un morceau, on voit comment on peut le jouer, et ça détermine la place de chacun. Parfois il y a une guitare en moins, un clavier en plus, les places se répartissent en fonction des morceaux… Tout le monde peut jouer de la guitare ou des claviers, donc on s’échange les instruments, selon les besoins.
Il y a une tradition rock à Bordeaux, non ?
J : Oui, et on est des purs produits de Bordeaux ! Il y a une tradition rock pour une petite ville de province, et c’est assez chouette, même si aujourd’hui beaucoup d’associations et de bars ont arrêté leurs activités. C’est moins flagrant qu’il y a dix ans, mais il y a toujours des groupes qui sont bons comme les Week-Ends, Sin Cabessa, et en musique électronique il y a Strip Steve qui est signé sur Boysnoize…
Vous habitez toujours Bordeaux ?
J : Mathieu, qui est le clavier, habite toujours Bordeaux, et les cinq autres, nous habitons à Paris depuis septembre…
Vous vous consacrez totalement à la musique ?
J : Non, car nous ne sommes pas venus à Paris uniquement pour la musique, ce n’est pas un plan de carrière. Tout le monde était à Bordeaux depuis longtemps, et la ville est moins active culturellement depuis quelque temps, on avait besoin de changer d’air, Paris donne de l’énergie… (Rires.)
Vous appréciez Paris ?
J : On avait joué plusieurs fois à Paris, on avait pas mal de copains, donc ça n’a pas été un choc d’y vivre. Pour la vie quotidienne, il y a les avantages et les inconvénients d’une grande ville, il y a des moments hostiles et barbants, le métro, la pluie ! Mais c’est chouette de pouvoir passer un dimanche à voir des expositions et des concerts, que ça ne soit pas une ville morte…
Et musicalement ?
J : En rock, il n’y a pas grand-chose, il y a des groupes que l’on aime bien comme Friction et Zombie Zombie, et il y a toute la scène de Versailles, Daft Punk, Sébastien Tellier, Phoenix, mais aussi Justice, Bobmo… Il n’y a pas vraiment de scène rock à Paris, à part celle des baby rockers, mais elle ne nous intéresse pas vraiment.
Vous revendiquez des influences électro ?
J : Ce n’est pas si important que ça au niveau du groupe, mais c’est vrai que l’on est attentifs à ce qui se fait. On va en club, c’est la musique qui passe et on a deux potes, Bobmo et Sub-d, DJ et fans d’électro qui nous font écouter des titres très pointus, ça doit se ressentir dans notre musique. Pour cet album, on a essayé de ne pas avoir une démarche nostalgique. On a voulu intégrer de nouveaux éléments et les amener au rock, que ce soit au niveau des sonorités ou des rythmiques, et avoir un son plus chaud, plus organique, plus crade, comme peut sonner un morceau de techno minimale…
Comment vous êtes-vous retrouvés à remixer un titre de Para One ?
J : Ce sont les Klaxons qui devaient le faire, au même moment ils ont eu la couverture du NME [magazine de musique anglais − ndlr], ils avaient d’autres chats à fouetter…
G : … et ils se sont rabattus sur nous !
J : Institubes nous a proposé ce remix car ils connaissaient les gens de Disque Primeur et ils appréciaient notre musique…
C’était marrant comme expérience, même si je suis un peu frustré d’avoir enregistré rapidement et que le son n’est pas très bon ; ça aurait mérité d’être un peu plus produit… On l’a souvent joué sur scène, c’était assez rigolo…
G : ça fait un an qu’on ne le joue plus, c’était marrant mais il y avait des côtés foireux…
J : Je ne suis pas trop pour les reprises. C’est intéressant de faire une reprise pertinente, de remettre au goût du jour un morceau que tout le monde a oublié ; reprendre un truc électro français sorti en même temps que nous, ce n’est pas très pertinent…
Ça vous intéresserait de vous « frotter » à d’autres courants ?
G : S’il y a de bonnes idées, je pense qu’on le fera, c’est assez dans la dynamique du groupe d’aller voir ce qui se passe ailleurs et d’y trouver des idées !
J : Ce qui est difficile, quand on essaie d’intégrer des éléments qui ne sont pas des éléments rock, c’est que ce soit digeste, éviter que ce soit kitsch, un montage monstrueux… Sur l’album, le morceau Local Girl est inspiré des productions R&B, on s’est pris la tête pour que les sons des claviers s’intègrent à notre musique et que ça ne soit pas une production froide à la Timbaland… même si je ne suis pas sûr que l’on soit capable de faire un truc à la Timbaland !
Vous n’avez pas peur d’être cantonnés à ce morceau ?
J : Je pense que tous les groupes peu connus ont ce problème : être le groupe d’un seul morceau. Il y a des gens qui prennent la peine d’écouter tout le disque, et d’autres qui attendent ce morceau… c’est comme ça. Le morceau en lui-même, on l’assume…
Quelle est la genèse de ce titre ?
J : Les paroles ont existé avant la musique, on s’est inspirés d’une chanson de Loudon Wainwright, le père de Rufus Wainwright, qui a fait un morceau qui s’appelle Motel Blues. Un titre dans lequel il raconte l’histoire d’un rocker sur la route, qui se sent seul, et qui demande à une fille de dormir avec lui à son hôtel pour lui sauver la vie… Ses paroles posées sur de la musique « R&Bisante » ça prenait à contre-pied les paroles du R&B où ça roule plutôt des mécaniques, on ne demande pas de l’affection, parce qu’on se sent vulnérable… On a fait en sorte que les claviers soient agressifs et un peu psychés, de chanter à la ramasse pour enlever le côté sirupeux du R&B. On est contents du résultat, même si des gens nous disent qu’on a pompé Ratatat, qui est un des groupes que je déteste le plus ! Ce n’est pas de la musique, c’est du vide ! On ne peut pas être tout le temps compris !
Le terme de R&B ne vous gêne pas ?
G : Non, pas du tout, on en écoute régulièrement…
J : Oui, on en écoute, mais il y a des merdes innommables en R&B. Je pense que c’est vraiment un champ d’expérimentation, une musique où il y a eu des choses intéressantes… On a choisi de prendre ce qu’il y a de bien dedans. Il y a de bons morceaux de Timberlake, Britney Spears, et les nouveaux morceaux de Kanye West sont hallucinants, même si les paroles puent et que le mec est dégueulasse ! Je pense qu’il y a des choses bien à prendre partout… Pour ce qui est de l’intégrité, ça ne me pose pas vraiment de problèmes, je peux aussi écouter du crunk…
G : On est revenus du côté sectaire, des phrases du genre « C’est commercial… »
C’est difficile d’expérimenter, comment vos disques sont-ils reçus ?
G : Après le premier maxi, dans lequel on avait une certaine direction et des choses plus ou moins intéressantes, on s’est rendu compte, via les retours, que l’on n’avait pas réussi à faire passer ce qu’on souhaitait…
J : On est les seuls à se blâmer, c’était de notre faute, les gens avaient le disque entre les mains et ils ne savaient pas quels étaient nos goûts… Ce qui est ressorti dans les chroniques, c’est : « dans l’air du temps », « dance music », « creux », « qui est juste sympa pour remuer les fesses ou se lever le matin »… Et ça n’était pas notre volonté, pas la musique que l’on voulait faire. Je pense que dans l’album, on a mis un peu plus de nous. Idéalement, il faudrait avoir la classe des musiques dansantes, le genre de son de chez DFA, LCD, Daft Punk, The Juan Maclean, certains morceaux de funk des années 50-60 qui sont incroyables au niveau rythmique, et réussir à synthétiser ça avec des mélodies géniales comme peuvent en faire les Beach Boys, ça pourrait être le truc ultime ! On ne peut pas se contenter de juste apposer les deux, ça ne marcherait pas ; c’est un travail de torsion jusqu’à ce que ça se touche !