Le rétropédalage
Du côté des politiques, rien que de très ordinaire : le tweet de Gérard Araud, l’ambassadeur de France aux États-Unis qui invectivait Trump, a été supprimé, et Nicolas Sarkozy a félicité chaudement celui qu’il méprisait jusqu’alors. C’est le jeu.
Du côté des analyses, rappelons qu’on avait eu droit à des mecs qui se sont plantés bien en amont, et un nombre impressionnant de prévisions à côté de la plaque de la part de nombreux amateurs.
Mais n’oublions pas les plus téméraires qui ont réussi à tout foirer jusqu’à la dernière ligne droite en annonçant Clinton gagnante toute la nuit avec un aplomb qui force le respect.
S’ensuit LA question que tout mauvais journaliste est amené à se poser au moins une fois dans sa vie : quand on se prétend expert tout en étant largué au point de n’avoir jamais envisagé le succès d’un truc qui finit par vous donner tort dans les grandes largeurs, que faire ? Reconnaître ses erreurs et passer publiquement pour une merde ? Inenvisageable.
En revanche, la jouer fine et partir sur l’autoroute de l’analyse onanique en mode « personne ne l’avait vu venir, et on vous explique pourquoi » reste la solution idéale. Je ne juge personne, j’ai fait ça pour Jul.
Absolument tout le monde est tombé là-dedans, de l’intrépide Anne Sinclair à l’intégralité des consultants télé et autres éditorialistes.
Dire que les experts qui expliquent à qui veut l’entendre les véritables raisons de la victoire de Trump sont exactement ceux qui expliquaient l’inverse à qui voulait l’entendre auparavant peut paraître caricatural. C’est donc là qu’interviennent les boss de fin.
L’incontournable Bernard-Henri Levy, après avoir signé un papier intitulé « Pourquoi Trump va perdre » a été invité sur LCI dans le plus grand des calmes pour expliquer à ces braves gens qu’il fallait « arrêter avec le déni et regarder la réalité en face« .
Cela peut paraître culotté mais on parle du gars qui avait écrit que le film Cinéman était un chef-d’oeuvre, à la limite heureusement qu’il est riche parce que sinon plus personne de sérieux ne lui aurait laissé (ni adressé) la parole après ça.
Se placent donc ex-aequo Le Point et Slate, avec de gros efforts de chaque côté pour décrocher la première place, quitte à être complètement amnésiques chez les uns
et schizophrène chez les autres.
L’euphorie
À la base cette partie s’appelait juste « les fachos » mais c’est assez réducteur, autant réunir d’un coup tous les comiques de premier plan. Comme prévu, les officiels et les anonymes ont félicité le prochain président des USA en disant tout et n’importe quoi.
Ce qui est mimi tout plein c’est qu’on sent à chaque fois une sorte de victoire de loser ultime par procuration, un peu comme quand un mec qui a raté sa vie en vient à être personnellement fier des conquêtes amoureuses d’un acteur ou sportif sous prétexte qu’ils viennent de la même ville voire juste du même pays.
Idiot, certes, mais pas tellement plus que ceux qui se félicitaient de la victoire d’Obama en s’imaginant réellement que ça allait changer leur quotidien.
Florian Philippot a fait la tournée d’absolument tous les médias possibles, ce qui nous montre à la fois sa bonne humeur communicative et le niveau des médias en question.
Notre championne reste Marion Maréchal-Le Pen qui a tout bonnement inventé une invitation de la part de l’équipe de Trump alors que personne ne lui avait jamais adressé la parole.
Là pour le coup ça fait pas mal penser aux rappeurs français en manque de buzz qui s’inventent des grandes amitiés avec des homologues américains pour impressionner la galerie. Ce n’est pas comme ça qu’on construit une carrière Marion.
Afida Turner s’est découvert un don de divination, ce qui en fait notre Azelia Banks à nous et ça c’est une information dont je ne sais vraiment pas quoi faire.
Rachida Dati a prouvé qu’elle n’avait aucune idée de qui était le paternel de Donald Trump, et probablement de qui est Donald Trump lui-même.
Malgré son nom de famille Jean-Frédéric Poisson s’est senti poussé des ailes et a tenu à partager son enthousiasme avec nous. Une semaine et demie plus tard, il apparaît clair que les « perspectives nouvelles » c’est pas non plus la folie puisqu’elles se chiffrent à 1,5%.
Non, décidément, ceux qui avaient le plus de raison de se réjouir, c’était les fans de catch, mais évidemment personne ne leur a donné la parole.
Rebondir sur l’actu
Certains ont amené une touche d’humour bienvenue, une initiative à la hauteur de l’événement et accueillie comme il se doit.
Les équipes de BFM ne se sont pas laissées dépasser par la situation et ont fourni une fois n’est pas coutume un véritable travail d’investigation.
Pareil du côté de La Provence.
La LICRA a voulu la jouer déprimée devant les résultats vu que les valeurs de Trump ne correspondent pas exactement à de l’antiracisme. Malheureusement ils ont utilisé une image de la série The Office pour illustrer leur propos.
Déjà c’est dégueulasse pour The Office qui est une excellente série et qui mérite donc mieux que ça, mais surtout ça a permis à des internautes de leur replonger la cloison nasale dans leurs excréments en rappelant qu’à l’inverse du casting de la série, la LICRA ne compte aucun basané. C’est ballot, sans ça, ça passait presque.
Un François Hollande apparemment constipé a ponctué son discours d’une citation qui semble tout droit sorti du nouveau Star Wars.
Les plus malins sont bien entendu ceux qui relaient la tribune de Michael Moore prédisant avec pas mal de justesse l’issue de la présidentielle. Tribune qui date de juillet dernier et qu’ils n’avaient pas relayée à l’époque mais c’est pas le sujet.
Ceux qui n’ont rien à dire mais qui le disent quand même
Parce qu’il faut parfois se sacrifier pour dire tout haut que vous ne pensez à rien de précis, plein phare sur ces héros des temps modernes.
Une partie de la presse cinéma, se sentant probablement un peu délaissée, a fait des rétrospectives de la carrière d’acteur de Donald Trump et on les en remercie. Une partie de la presse généraliste, se sentant trop bridée, a fait des rappels des occurrences entre fiction et réalité.
Concrètement ça a donné des références à Idiocracy et aux Simpsons tous les deux articles, jusqu’à vous dégoûter d’un film et d’une série plutôt drôles à la base.
Slate a continué de produire des papiers aux titres tellement contradictoires qu’on croirait presque que c’est du Vice.
Réalisant que tous les angles les plus improbables étaient déjà pris (cf. plus haut), Konbini a donné le tout pour le tout et a pondu ce truc, qui permet de remettre l’élection en perspective avec rien du tout mais c’est l’intention qui compte.
Des graphistes désœuvrés et sûrement en manque d’affection ont googlé « citation triste » et ont inondé la toile de montages tous plus niais les uns que les autres ; des gens qui ne sont jamais allés plus loin que le terminus d’un TER se sont mis à affirmer haut et fort qu’ils n’iraient plus jamais aux États-Unis, d’autres ont improvisé des analyses de politique internationale alors que leur vrai domaine de compétence était jusqu’ici le commentaire des twists pourris de The Walking Dead.
Bref, c’était pas du niveau du 11 septembre, mais il faut reconnaître qu’on se sera quand même bien marrés.
Merci à tous les participants et revenez-nous en forme pour mai 2017.