COSTES & SEBASTIAN #mixtape


 

SebastiAn est sur toutes les lèvres. Total, son premier album est disponible depuis hier : torturé et dissonant, à l’image de son compositeur. Il semblerait que les premiers faits d’armes de Sebastian Akchoté remontent au début des années 2000. On le dit proche du groupe de rap français Cercle Vicieux, pourtant ses premières traces discographiques officielles, on les retrouvera sur un album de Costes, sobrement intitulé Nik Ta Race (je crois que c’est celui qui est sorti entre Guy Georges et NTMFN.)

 

Le beat est hip-hop et répétitif, les paroles sont strictement provocantes. Narcisse de Cercle Vicieux donne la réplique à Costes, pour un discours en noir et blanc, polémique à souhait. Sebastian y est dédicacé (‘un yougo’), on parle bien du même.

Le projet est surprenant, pour qui n’est pas habitué aux frasque de Jean-Louis Costes, un artiste performer, complètement fou, exhibitionniste, qui enchaîne les albums sur K7, puis sur CDR, depuis une cave de Saint-Denis. Costes a surtout défrayé la chronique à la fin du 20ème siècle, son art dérange, ses performances sont scatologiques et choquantes, son discours violent est considéré comme ambigu, vu de l’extérieur ça peut faire peur. On pouvait être interloqué par les intentions et ambitions de ce personnage.

Aujourd’hui, il semblerait qu’il fasse son métier sereinement et proprement (au sens figuré du terme…), et il n’est pas plus fou que le boucher du coin qui passe son temps à découper des côtes de porcs et à trier des abats.

Costes, un personnage clef dans l’apprentissage d’un Sebastian qui n’a pas encore vraiment choisi son camp, entre un hip-hop français en déclin et peu ouvert musicalement, et probablement pas prêt pour l’expérimentation et la recherche musicale appliquée du GRM. On ne peut l’en blâmer. Après enquête, il semblerait que la réunion entre Jean-Louis et Sebastian ne soit pas fortuite.

Ce dernier ayant un frère, guitariste virtuose, prénommé Noël. Un musicien atypique et cérébral, qui flirte avec le jazz libre et la musique expérimentale, érudit et habitué des petites salles comme les Instants Chavirés de Montreuil. Vous pourrez lire une entrevue très intéressante du sieur, qui en dit long sur le personnage et son appréhension du monde, ICI.

Un type qui n’hésite pas à consacrer un album à des reprises de Kylie Minogue à la guitare sèche, à l’origine de Rectangle, un label fournisseur de disques peu communs, prisés et reconnus, avec du John B Root dans les parages (d’où une fameuse apparition de Sebastian dans un film à caractère pornographique), et qui a sorti deux disques de Costes. Ceci explique donc cela, la connexion étant effective, ils se sont bien trouvés et le résultat est détonant (cf. les premiers titres du collage ci-dessus).

 

La suite de l’histoire voudrait que Sebastian ait présenté un projet à Pedro Winter, qui aurait été de suite emballé par la musique du jeune prodige. Il intègre l’écurie Ed Banger, et après quelques titres se forge une réputation sulfureuse de beatmaker génial capable de faire exploser tympans et dancefloors. Il enchaîne les maxis, remixes et autres edits pour finalement se retrouver en haut de l’affiche, sans avoir rien demander à personne.

Ses interventions sont rares, il devient donc sujet à moult ragots et autres rumeurs. On retrouve ce personnage singulier sur France Inter, le 27 octobre 2008 (à écouter et télécharger ci-dessous), peu après la sortie de Motor, un track puissant, saturé et désagréable, qui n’est pas sans rappeler une course de Formule 1 sans boules Quiès.

On comprendra aisément pourquoi il y a si peu de SebastiAn dans les médias, peu rompu à l’exercice de l’interview ; le présentateur semble complètement déboussolé face au radical bidouilleur. Par contre, la sélection est impeccable, elle retrace le parcours de celui qui est capable de faire jubiler le public avec des grésillements inaudibles pendant plus de cinq minutes. Il pioche chez Oizo, Dopplereffekt et D.I.T.C, cigarette(s) au bec, stress palpable et angoisse patente, les auditeurs s’en souviendront.

 

Liste de lecture – V/Vm – Eclectic Is Another Word For Shit * Handycap – Murphy * Lightening Bolt – Assassins * ???? * M. Oizo – Lotus Suite Köln * M. Oizo – Sucer Danser * Paul McCartney & Wings -Nineteen Hundred and Eighty Five * Sparks – I Married Myself * Abdel Halim Hafez – Ahebek * Jackson & His Computer Band – Teen Beat Ocean * Big L / Fat Joe – The Enemy * JL Costes – Faux Nègres & Vrais Arabes * SebastiAn – Dog * ??? * Mylo – Paris 400 [SebastiAn RMX] * Dopplereffekt – Sterilization * Bodenständig 2000 – Rnay * Krzysztof Penderecki – Threnody to the Victims of Hiroshima * Justice – Planisphere Final * The Kills – Cheap and Cheerful [SebastiAn RMX] * JL Costes – PD Secret * The Rakes – We Danced Together [SebastiAn RMX] * Sébastien Tellier – Roche [Kavinsky RMX] * The Dead Kennedys – Nazi Punks F#ck Off

 

SebastiAn, a qui l’on prête de plus en plus d’attentions et d’intentions, aurait pu définitivement enfoncer le clou avec son album : Total. Un disque qui revient sur ses précédents tubes, ceux qui ont fait son succès, plus quelques nouveautés de bonne facture, avec une apparition de Mayer Hawthorne (qui est ICI en entrevue…), et MIA pour un titre moyennement réussi. On retiendra surtout les morceaux courts, ceux qui arrachent, ceux qui font mal aux oreilles. Des jingles violents et jubilatoires, cathartiques et efficaces, qui ne dépassent pas la minute, qui sont jouissifs, spontanés et bien trop courts. MAIS, car il y a un mais, il ne s’est pas arrêté là.

Et il y eut sa prestation à Villette Sonique, qui en quelques jours a fait couler beaucoup d’encre, plusieurs claviers d’ordinateur ont rendu l’âme et les com’ parsèment les posts. Il est vrai que de voir apparaître SebastiAn juché sur une tribune sombre avec comme fond un gigantesque drapeau français, en train de maltraiter notre hymne national avec délicatesse pour le rendre insupportable (ICI), il y avait de quoi effrayer le bourgeois-de-gauche-trentenaire-bien-pensant-qui-parfois-serre-la-main-à-des-noirs (ICI par exemple).

Et si certains y ont vu mégalomanie, nazisme, préférence nationale et autres signes ostentatoires d’une politique radicale de droite, c’était avant tout un grand spectacle, bien orchestré, bruyant et enfumé. La musique était celle de SebastiAn, torturée en direct, des vidéos proposaient un programme concret pour un monde meilleur en 2012, mêlées à des images d’actualité et des extraits de films (1984, Dead Zone…)

SebastiAn s’immisce dans la course à une virtuelle présidence, comme potentiel candidat pour une France qui bouge et qui danse. Au bout d’un petit quart d’heure, de sombres drapeaux se déroulent, ornés d’une France criblée d’un épais S, un logo – détourné – déjà vu dans les films de Gaspar Noé, Akchoté sait choquer, avec une constante cigarette au bec et un air hautain de circonstance.

Grandiloquence, prétention et polémique pour un spectacle son et lumière d’une heure, le public a adhéré et scandé, soutenu son leader ; ce soir-là, il a pris parti pour un SebastiAn maître de la cérémonie, tel un Patrick Bruel face à un parterre féminin brandissant des briquets Bic, prêt à foutre le feu sur commande.

Pendant ce temps-là, Jean-Louis Costes écrit des livres et se met des carottes dans le cul, il a sorti un nouvel album, intitulé gentiment Une main me pousse, qui est tout aussi inécoutable que le reste de sa discographie. Ses interventions télévisées témoignent qu’il est sain d’esprit, son livre Grand-Père est extraordinaire et il a mis le feu à la moitié de la Guyane. SebastiAn, quant à lui, continue à lire cinq heures par jour et fait de la musique, il devrait monter de temps à autre à la tribune pour faire un concert.